Quid du Syndrome de KISS, analyse de la SEROPP

Depuis quelques temps, quand on évoque la plagiocéphalie positionnelle ou la déformation crânienne positionnelle (DCP), nous sommes interpellés à propos du « Syndrome de KISS *» par un nombre croissant de parents, de confrères, de professionnels médicaux et d’associations de périnatalité, nous demandant notre avis sur ce sujet.

L’ensemble des signes cliniques décrits dans ce « syndrome » est connu depuis des décennies tant par les pédiatres que par les ostéopathes pédiatriques : latéro-colis, posture en C, microsomie de l’hémiface, troubles du développement moteur, agitation, plagiocéphalie, asymétrie du tonus , hypersensibilité, déformation des pieds, agitation, troubles végétatifs (pleurs, sommeil, digestion), coliques du nourrisson, brachycéphalie, hyper-extention, refus du pro-cubitus, difficulté de tenir sa tête, vomissements, bavage, agitation, hyperactivité, troubles de la concentration, mauvaise posture, troubles perceptifs, troubles de la motricité globale et fine, retard de langage, etc. »

Pour exemples, rappelons ici que

– la microsomie hémifaciale est, ELLE, un vrai syndrome qui trouve son origine à la période embryonnaire,

– l’hypertonie décrite est un signe clinique neurologique strictement opposé à la tendance à l’hypotonie musculaire,

– la déformation des pieds a pour origine une réduction de l’espace pour le fœtus dans l’utérus maternel au cours du 3e trimestre de grossesse

– etc.

Regrouper ce « melting-pot » de signes cliniques aussi opposés que contradictoires, sous le terme de « syndrome » paraît inadapté et, selon plusieurs pédiatres, est ressenti comme anxiogène par les parents. Selon les différentes sources consultées, la prise en charge de ce « syndrome » comprend la prescription systématique d’une radiographie du rachis cervical préalablement à des manipulations de type thrust (manipulation à haute vélocité et faible amplitude).

Or, une radiographie ne peut éliminer de manière exhaustive une malformation du rachis cervical supérieur, encore moins une malformation cérébrale. Par ailleurs, la Société Francophone d’Imagerie Pédiatrique et Prénatale conteste l’irradiation systématique des nourrissons. La « prescription doit être adaptée et nécessaire » car elle n’est pas sans conséquence dans le temps.

La Société de Neuro-Pédiatrie allemande ne reconnaît pas ce syndrome, les autres sociétés européennes pédiatriques l’ignorent. L’ordre des masseurs-Kinésithérapeutes, quant à lui, met en garde les parents au sujet des discours speudo-scientifiques relatifs « au dit syndrome de KISS ». **

Pour la Haute Autorité de Santé (HAS), dans ses recommandations pour la « Prévention des déformations crâniennes positionnelles et de la mort inattendue du nourrisson » https://www.has-sante.fr/upload/docs/application/pdf/2020-02/reco276_fiche_memo_deformatons_craniennes_min_cd_2020_02_05_v11_fev.pdf

récemment publiées (5 mars 2020), le syndrome de KISS n’y est jamais évoqué. Partie prenante comme d’autres sociétés scientifiques médicales***, la SEROPP, seule société ostéopathique non médicale représentée, a été un relecteur appliqué de ce rapport de la HAS (voir page 121 à 138). Elle ignore le terme « syndrome de KISS ou de KIDD » ainsi que le type de traitement proposé pour ce pseudo syndrome.

La revue de la littérature sur MedLine retrouve sept études sur ce sujet **** ; au regard des risques encourus, la plupart des conclusions sont opposées à la manipulation de type thrust du rachis cervical

supérieur du nourrisson. A ce jour, aucune étude n’a démontré les relations entre l’ensemble des nombreux signes cliniques et la position du rachis cervical supérieur.

En 2011, le dernier article de Sinding-Larsen C et al., conclut de la manière suivante : « nous exhortons les professionnels de santé en pédiatrie concernés à évaluer de manière critique les sources existantes sur KISS et KIDD ».

Pour la SEROPP, l’utilisation « des manipulations de type thrust » pour remédier à un trouble de symétrie des vertèbres cervicales ne paraît pas respectueux de l’anatomie et de la physiologie de la charnière cranio-cervicale, et risque de fragiliser le carrefour vasculaire ainsi que les tissus neurologiques, ligamentaires, cartilagineux et osseux en cours de développement. Des mobilisations précises et adaptées aux vertèbres non soudées du rachis cervical supérieur et respectueuses de la circulation vertébro-basilaire cérébrale du nouveau-né et du nourrisson permettent la sécurité de l’intervention et d’éviter la prescription systématique de radiographie. En deux consultations ostéopathiques espacées de 3 à 6 semaines, les mobilisations suffisent, dans la grande majorité des cas, à symétriser la mobilité du rachis cervical sans le fragiliser.

Seuls les cas résistants au traitement par mobilisation doivent bénéficier d’une investigation par imagerie médicale. A noter que seul un scanner à incidence spécifique peut mettre en évidence une subluxation de la charnière cranio-cervicale.

La SEROPP réfute toutes manipulations de type « thrust » par ailleurs interdites par l’Arrêté du 12.12.14 *****, tout comme les techniques en hyper extension chez le nouveau-né et le nourrisson. Le conseil scientifique de la SEROPP a pour cela élaboré des recommandations de bonnes pratiques https://seropp.org/wp-content/uploads/2019/03/2018-recommandations-de-bonnes-pratiques-et-d-Ethique-site.pdf.

Par ailleurs, nous rappelons que les parents ne sont aucunement dans l’obligation de signer un document de clause de confidentialité lors d’une consultation ostéopathique, médicale ou paramédicale.

* Terme créé par le Dr Biedermann, créateur du S. de KISS (Kopfgelenk Induziert Symetrie Störungen), signifiant « trouble de symétrie induit par les vertèbres cervicales » et KIDD ( KiddKopfgelenk-induzierte-Dyspraxie / Dysgnosie) signifiant (Dyspraxie/dysgnosie induites par les articulations de la jonction cranio-cervicale), regroupant un ensemble de signes cliniques dont la liste est assez conséquente.

** https://www.ordremk.fr/actualites/patients:parents-attention-aux-discours-speudo-scientifiques-concernant-la-sante-de-vos-enfants/.

*** Relecteurs du rapport HAS

CIF : Collège Infirmier Français

CNAM : Caisse nationale d’assurance maladie

CMG : Collège de Médecine Générale

CMK : Collège de la Masso-Kinésithérapie (l’avis du CMK n’a pas fait l’objet d’un avis synthétique global mais de commentaires de 8 relecteurs)

CNSF : Collège National des Sages-Femmes (l’avis du CNSF n’a pas fait l’objet d’un avis synthétique global mais de commentaires de 2 relecteurs)

DGS : Direction générale de la santé

Ostéos de France : Médecins Ostéopathes de France

SEROPP : Société Européenne de Recherche en Ostéopathie Périnatale et Pédiatrique

SFN : Société Française de Neurochirurgie

**** Bibliographie

Brand et al 2005,

Renckens CN et al 2005,

Saedt E et al 2005,

Brurberg KG et al 2009,

Kjetil G et al 2009,

Happle C et al 2009 ,

Sinding-Larsen C et al 2011) Enquête PLP Brand, RHH Engelbert, PJM Helders et M. Offringa https://www.ntvg.nl/print/1227288?view_mode=volledig

***** Extrait de l’arrêté : « Manipulation/mobilisation :

La manipulation est une manœuvre unique, rapide, de faible amplitude, appliquée directement ou indirectement sur une composante du système somatique en état de dysfonction afin d’en restaurer les qualités de mobilité, de viscoélasticité ou de texture. La manipulation porte la composante concernée au-delà de son jeu dynamique constaté lors de l’examen, sans dépasser la limite imposée par son anatomie.

Appliquée sur une articulation ou sur un ensemble d’articulations, elle peut s’accompagner d’un bruit de craquement (phénomène de cavitation) qui n’en constitue cependant pas nécessairement un indice et qui est sans valeur pronostique.

La mobilisation est un mouvement passif parfois répétitif, de vitesse et d’amplitude variables, appliqué sur une composante du système somatique en état de dysfonction. »