La recherche en ostéopathie


Définitions de l’ostéopathie et dates principales

L’ostéopathie est une thérapie manuelle1, pratique de soin non conventionnelle2, faisant partie des MAC (Médecine Alternative et Complémentaire)3 dans la classification internationale et des IMN (Intervention non médicamenteuse)4.

C’est aux États-Unis qu’Andrew Taylor Still invente et définit l’ostéopathie, à la fin du XIXème siècle. Cette nouvelle approche thérapeutique inspirée des médecines manuelles traditionnelles va s’étendre rapidement, puisque 150 ans plus tard, elle est pratiquée dans 46 pays du monde par près de 200 000 praticiens5. En France, elle émerge tardivement dans les années 1950 mais ce n’est qu’en mars 2002 qu’elle est reconnue légalement6.

Dates principales

Pratique fondée au 19ème siècle aux Etats-Unis par Andrew Taylor Still avant d’essaimer en Europe au début du 20ème siècle. 

1892 1ère école d’ostéopathie, American School of Osteopathy, fondée par A.T. Still. Enseignement d’une nouvelle méthode de soin fondée sur l’unicité de l’être humain, la capacité d’autorégulation de l’organisme, les interrelations entre structure et fonction et la bonne circulation des fluides corporels.

1917 1ère école d’ostéopathie en Angleterre, British School of Osteopathy, fondée par John Martin Littlejohn, disciple d’Andrew Taylor Still.

1950 Création de la Société Française d’Ostéopathie, fondée par un médecin, Robert Lavezzari. Société savante qui regroupe les médecins ayant une pratique manuelle.

1965 Ecole Française d’ostéopathie : fondée par un kinésithérapeute français, Paul Geny, et un ostéopathe anglais, Thomas Dummer. Début de la formation des ostéopathes non-médecins.

2002 Pratique officiellement encadrée et autorisée en France. Loi n°2002-303 du 4 mars 2002, article 75 : Reconnaissance du titre d’ostéopathe, relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé.

2007 Décrets d’application et champs de compétence. Décrets n° n°2007-435 du 25 mars 2007 relatif aux actes et aux conditions d’exercice de l’ostéopathie et n°2007-437 du 25 mars 2007 relatif à la formation des ostéopathes et à l’agrément des établissements de formation. Ils dressent une liste d’établissements agrées autorisés à délivrer un diplôme d’ostéopathie.

2014 Publication des décrets relatifs à la formation en ostéopathie : Décrets n°2014-1505 du 12 décembre et n°2014-1043 du 12 septembre

2016 Décret n° 2016-994 du 20 juillet 2016 relatif aux conditions d’échange et de partage d’informations entre professionnels de santé et autres professionnels des champs social et médico-social et à l’accès aux informations de santé à caractère personnel.

EN SAVOIR PLUS

Les principes philosophiques 

Historiquement l’ostéopathie s’appuie sur 4 principes philosophiques :

  • le corps est une unité physiologique ; la personne est une unité de corps, d’âme et d’esprit
  • le corps est capable d’autorégulation et d’autoguérison
  • la structure et la fonction sont réciproquement liées
  • par le biais de nombreuses techniques, son but est d’améliorer les fonctions physiologiques et/ou de soutenir l’homéostasie altérée par des dysfonctions somatiques

Ces principes philosophiques sont d’une incroyable modernité et viennent challenger la vision biologique classique de la médecine conventionnelle ;

On « sort » de la dichotomie cartésienne pour une vision plus globale de l’individu tenant compte de la santé mentale et physique, et donc des interactions entre le soma et la psyché. Le praticien étant un soutien aux capacités d’adaptation des patients (force d’autorégulation, d’autoguérison).

Mais l’ostéopathie doit être capable d’expliquer rationnellement ses interventions et coconstruire, avec le soutien des autorités, les études scientifiques nécessaires pour le bien-être et la santé des patients.

Les études doivent en tout premier lieu porter sur l’innocuité des soins ainsi que sur leur efficacité.

Spécificités de la prise en charge ostéopathique :

En France, l’ostéopathe, non professionnel de santé, a suivi une formation de 4860 h7 (équivalant Master 2, RSCP niveau 7) sur les 4200 recommandées par l’OMS; il est le plus formé d’Europe8.

La prise en charge est individualisée, le traitement adapté au patient en fonction de son motif de consultation et de l’état (corporel et psychique) dans lequel il arrive en consultation. Les interactions entre praticien et patient sont nombreuses et polymodales (les consultations durant 45 min en moyenne) : interaction manuelle avec un toucher ajusté, précis, intentionnel pour le diagnostic et le traitement ostéopathiques (donnant la plupart du temps lieu à un feed-back avec le ressenti du patient), des regards bienveillants, une écoute empathique, des paroles étayantes9.

Les techniques utilisées sont très variées, près d’une centaine ont été répertoriées. Les plus utilisées et les plus évaluées scientifiquement étant la mobilisation, la manipulation, l’énergie musculaire et les techniques relatives aux tissus mous10.

Des conseils personnalisés sont prodigués au patient9.

Alors comment évaluer l’ostéopathie aujourd’hui, intervention complexe par nature ? Comment évaluer la fiabilité, la sensibilité et la reproductibilité d’un test, l’efficacité d’une technique quand le facteur humain et la personnalisation du soin est au cœur de l’intervention ?

Le Gold Standard de la recherche est-il bien adapté aux thérapies manuelles ?

Le Gold Standard de la recherche aujourd’hui est l’Essai Contrôlé Randomisé en Double Aveugle (Randomized Control Trials) et c’est l’ensemble des RCT réalisés partout dans le monde qui forme des Méta Analyses (Systematic Reviews) susceptibles d’établir un faisceau de preuves : on peut comprendre aisément que cela prend du temps et nécessite un financement conséquent.

Or, comme l’a précisé le Pr Bruno Falissard, (professeur, pédopsychiatre, directeur du centre de recherche Inserm en épidémiologie et santé des populations _CESP_ à Villejuif) dans l’article du magazine « Ça m’intéresse : Pourquoi les thérapies alternatives sont délicates à évaluer ? » du 14 octobre 2022 : « le financement est un obstacle car les études coûtent très cher …et le double aveugle est impossible dans les médecines alternatives notamment les thérapies manuelles ».  

Malgré tout, depuis une vingtaine d’années partout dans le monde, les ostéopathes s’organisent et de nombreuses études sont réalisées.

Organisations internationales :

–   L’Osteopathic International Alliance : OIA. Regroupement international d’ostéopathes, partenaire consultatif de l’OMS. L’OIA a pour objectifs de : promouvoir les principes et la pratique de la médecine ostéopathique dans le monde ; favoriser l’enseignement et la recherche scientifique ; organiser des symposiums scientifiques ; collecter et diffuser des informations exactes concernant la profession ; devenir l’organe consultatif pour les organisations internationales.
https://oialliance.org/

–   Osteopathy Europe – European Federation and Forum for Osteopathy : promeut les bonnes pratiques, la réglementation et la reconnaissance des ostéopathes en Europe. L’organisation regroupe les principales associations professionnelles et autorités de réglementation européennes de 22 pays européens.
https://osteopathyeurope.org/


–   Center for Osteopathic Medecine Collaboration (COME) : a pour but de favoriser une recherche ostéopathique internationale, multidisciplinaire et multicentrique (fondements scientifiques, élaboration et développement de projets scientifiques multicentriques nationaux et internationaux, débouchant sur des publications, sensibiliser et former les ostéopathes…)
https://www.comecollaboration.org/

–   A.T. Still Research Institute – Institut de recherche A.T.Still : a pour but de mener des recherches de qualité en ostéopathie. L’AT Still Research Institute comprend trois centres de recherche axés sur différents aspects de la recherche en médecine ostéopathique, de la recherche dentaire et de la recherche en santé communautaire pour la mise en œuvre de soins de santé abordables.
https://www.atsu.edu/a-t-still-research-institute

Où en est la recherche ?

Les hypothèses des mécanismes d’action donnant lieu à de la recherche :

  • Amélioration de la réparation tissulaire : diminution de la réaction inflammatoire (Standley et al., 2008; Meltzer et al., 2007)
  •  Modulation du système nerveux autonome (Henley et al., 2015; Cerritelli et al., 2020)
  •  Modulation de la douleur : diminution de la sensibilité et de la perception de raideur (Degenhardt et al., 2007; Masarachio 2019),
  •  Amélioration de la mobilité, de la confiance dans le mouvement (Millan et al., 2012; Fryer et al., 2004 ; Elingsen et al.,2018)
  •  Modulation du tonus musculaire (Fryer et al., 2011; Behm et al., 2016)
  •  Mécanisme mécano transductif (Cao et al., 2013; Lalauze-Pol, 2021).

De plus l’OIA a évalué, en 2020, l’ostéopathie en fonction des motifs de consultation dont voici les conclusions5.

  • Il existe des preuves modérées et solides du soulagement de la douleur et de l’amélioration de la fonction pour les troubles du bas du dos, du cou, des épaules et des maux de tête.
  • Il existe de plus en plus de preuves d’effets bénéfiques sur l’arthrose de la hanche et du genou, la douleur au talon, l’élongation du coude chez l’enfant, la durée d’hospitalisation des enfants prématurés, le syndrome du côlon irritable, le drainage lymphatique dans le cadre du traitement du cancer du sein et les coliques infantiles.
  • Enfin, le risque de préjudice grave lié aux traitements manuels, y compris les techniques de manipulation et de mobilisation, est très faible.

Ces résultats sont prometteurs, même s’il faut garder une certaine prudence quant à l’interprétation et aux conclusions, et surtout continuer à réaliser des études à haut niveau de preuves pour comprendre comment l’ostéopathie peut s’intégrer dans une prise en charge pluridisciplinaire.

Et comme l’a dit le Pr Michel Cucherat (Maître de conférences, Praticien hospitalier en biostatistiques et informatique dans le service de biostatistiques du CHU de Lyon et Responsable de l’équipe IMT (Informatique et Mathématiques pour la thérapeutique) de l’EA 3637 de l’Université Lyon1) :

« L’absence de preuve ne prouve pas l’absence d’effets » 11

Avancer dans la recherche, c’est s’interroger sans cesse, faire preuve de patience et de prudence tout autant que d’exigence et de rigueur… alors amis ostéopathes : avançons !

Références bibliographiques 

  1. Benchmarks for Training in Osteopathy, OMS, 2010
  2. Conseil national de l’ordre des Médecins
  3. National Center For Complementary and Integrative Health https://www.nccih.nih.gov/
  4. NINOT Grégory, « Intervention non-médicamenteuse INM : un concept pour lever les ambiguïtés sur les médecines douces et complémentaires », Hegel, 2018/1 (N° 1), p. 2-3. DOI : 10.4267/2042/65110. URL : https://www.cairn.info/revue-hegel-2018-1-page-2.htm
  5. « Osteopathic healthcare, global review of osteopathic medicine and osteopathy 2020” https://oialliance.org/the-oia-global-report-global-review-of-osteopathic-medicine-and-osteopathy-2020/
  6. https://www.legifrance.gouv.fr/loda/article_lc/LEGIARTI000031549014
  7. https://www.legifrance.gouv.fr/jorf/id/JORFTEXT000029894161
  8. https://www.osteopathe-syndicat.fr/
  9. Le Référentiel de l’Ostéopathe : activité et de compétences- UPO 2013
  10. Licciardone JC, Schultz MJ, Amen B. Manipulation ostéopathique dans la gestion de la douleur chronique : perspectives actuelles. J Douleur Res. 2020; 13:1839-1847 https://doi.org/10.2147/JPR.S183170
  11. Caroline Barry, Bruno Falissard, INSERM 2012. Évaluation de l’efficacité de la pratique de l’ostéopathie. https://www.inserm.fr/rapport/evaluation-de-lefficacite-de-la-pratique-de-losteopathie-2012/