Réponse de la SEROPP à l’article de franceinfo: la recherche en OPP est cruciale. Il ne faut pas confondre manipulation et mobilisation

A la SEROPP, nous venons d’être alertés par plusieurs de nos membres au sujet d’un article, publié le 9 mars 2019, sur le site de franceinfo intitulé :
« Dangereuse, efficace, sans effet ? L’ostéopathie sur les nourrissons, une pratique qui divise ». L’article de franceinfo, largement repris et diffusé par les réseaux
sociaux, faisait lui-même suite à la diffusion, sur France 5 en février, d’un reportage dans l’émission « La Maison des maternelles », montrant l’intervention d’ostéopathes à la maternité du centre hospitalier de Grasse (Alpes-Maritimes).
L’article de franceinfo fait une large place à un discours de dénigrement de l’ostéopathie pédiatrique tenu par l’Ordre des Masseurs-Kinésithérapeutes. Or, cet Ordre s’appuie sur une revue partielle de la littérature sur l’ostéopathie pédiatrique.
Par ailleurs, l’article de franceinfo contient de nombreuses inexactitudes. La plus dommageable se trouve déjà dans le sous-titre « … un ostéopathe en train de manipuler un bébé prématuré à l’hôpital de Grasse ».
Non, les images diffusées par France 5 ne montrent aucune manipulation (bel et bien interdites). Il s’agit là de mobilisations. Ce qui est foncièrement différent. Les
professionnels le savent, eux.
Si on peut relever, sur les images de France 5, la légère rapidité de l’exécution des mobilisations, le prématuré ne présente aucun signe douloureux selon les échelles,
NFCS, PIPP, EDIN, etc.. Et les parents, comme l’équipe médicale, attestent que son état s’est amélioré. Quant aux « manoeuvres intra-buccales », dénoncées par l’article, elles ne sont nullement interdites contrairement à celles intrapelviennes. On peut, peut-être, pour une question d’hygiène, regretter que l’ostéopathe suivi par le reportage ne porte pas de doigtier. Cependant quand il existe des troubles de l’oralité, l’abord avec le doigtier n’est pas toujours bien
accepté par l’enfant.
Plus dérangeant, il est fort regrettable que l’avis médical sollicité par franceinfo pour commenter ces images ne soit pas celui d’un pédiatre ou d’un néonatologiste
en poste.

Rappelons le : sur le plan réglementaire, les manoeuvres incriminées ne peuvent, en aucune manière, s’apparenter à des « manipulations » telles qu’elles sont
définies dans l’annexe 1 de l’ Arrêté du 12.12.14 relatif à la formation en ostéopathie (JORF n°0289 du 14.12.14).
On peut consulter les décrets N° 2007-435 du 25 mars de 2007, relatifs aux actes et aux conditions d’exercice de l’ostéopathie qui sont clairs quant à la pratique de
l’ostéopathie pédiatrique.
https://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?cidTexte=JORFTEXT000000462001
L’article 1 autorise l’ostéopathe à pratiquer des mobilisations et des manipulations.
Mais L’article 3 limite et encadre l’exercice pré-cité chez l’enfant de moins de 6 mois et prévoit l’obtention d’une attestation médicale de non contre-indications
pour autoriser l’ostéopathe à pratiquer des manipulations. Le Pr. Joël Moret-Bailly, Professeur des Universités, Professeur de Droit de la santé dans l’article : « L’ostéopathie : Profession de santé ou activité de soins ? Revue de droit sanitaire et social, n°2, 2009, 290–300 » en fait une analyse très claire : les
mobilisations sont autorisées. https://hal.archives-ouvertes.fr/hal-01571113/document
Par ailleurs, contrairement aux affirmations contenues dans l’article, il existe des revues internationales, à Comité de lecture, très sérieuses qui publient des articles
sur l’ostéopathie pédiatrique, pour n’en citer que deux :
– Cerritelli, F., et al., Effect of osteopathic manipulative treatment on length of stay in a population of preterm infants: a randomized controlled trial. BMC Pediatr, 2013. 13: p. 65.
– Herzhaft-Le Roy, J., M. Xhignesse, and I. Gaboury, Efficacy of an Osteopathic Treatment Coupled With Lactation Consultations for Infants’ Biomechanical Sucking Difficulties. J Hum Lact, 2017. 33(1): p. 165-172.

En Italie, avec l’équipe de Francesco Cerritelli, chercheur en neurosciences et en imagerie médicale, la recherche est plus avancée tant sur l’ostéopathie pédiatrique que sur celle relative aux adultes Home Università degli Studi G. d’Annunzio Chieti e Pescara, Department of Neuroscience & Imaging. Ces articles montrent l’utilité de cette pratique quand elle est réalisée par des ostéopathes formés et compétents en ostéopathie périnatale et pédiatrique, respectant les recommandations de bonnes pratiques telles que celles de la SEROPP https://seropp.org/wp-content/uploads/2019/03/2018-recommandations-debonnes-pratiques-et-d-Ethique-site.pdf. Lesquelles interdisent, entre autres, toute manipulation chez l’enfant.

En France la recherche en ce domaine débute ; plusieurs études cliniques ont été partiellement financées par notre association la « Société Européenne de Recherche en Ostéopathie Périnatale et Pédiatrique (SEROPP, www.seropp.org).
Une autre étude clinique, randomisée « HYPOSTEO », sur la prise en charge ostéopathique du nourrisson hypotonique a débuté en janvier 2019 ; l’avancée de
l’étude peut être suivie sur www.clinicaltrials.gov. Avant d’être mises en place, toutes les études soutenues par la SEROPP ont reçu l’approbation d’un Comité de
Protection des Personnes (CPP).
Nous le martelons depuis quinze ans, à longueur de congrès, d’articles et de colloques, l’ostéopathie périnatale et pédiatrique (OPP) est plombée par l’insuffisance de travaux de recherche. Voilà pourquoi il est important de soutenir la recherche en OPP, afin que ce déficit ne nous soit plus systématiquement opposé !

Roselyne Lalauze-Pol DO
Présidente de la SEROPP
Ancienne Attachée des Hôpitaux de Paris
Membre du Réseau de Santé Périnatal Parisien
Membre du Club International de Morphologie Faciale
Doctorante Laboratoire CHart, EPHE – PSL-research